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 Sujet du message : Re: Fiction? pas tout à fait.
Message Publié : 20 Mai 2020, 22:09 
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Bonsoir,
Merci pour ce bon moment de lecture haletante, un vrai roman. On s'y croirait.
Très bien, la suite au prochain numéro.
Jean-Yves


Dernière édition par jyesnault le 22 Mai 2020, 13:03, édité 1 fois.

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 Sujet du message : Re: Fiction? pas tout à fait.
Message Publié : 21 Mai 2020, 17:29 
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Allez hop en voiture...

EN AFRIQUE

A Thiés, prés de Dakar les Gomez ont fini leur bizness, voitures vendues, certificats d’hébergement et autres pièces d’identité distribués. Le tout encaissé et confié à un Libanais qui moyennant un petit pourcentage se charge de l’exportation de leur capitaux. Ils retrouveront le pactole en France à leur retour chez un autre Libanais compréhensif.
Ce sont des pros, les gitans, ils projettent déjà une prochaine expédition, ils ont rempli leur carnet de commande de documents administratifs.

Pour Choïchoï et Jacquot tout baigne, leur contact a tout fait pour qu’ils prennent le premier avion vers Madrid.

A la prison de Muret, prés de Toulouse, monsieur Loucas médite sur un catalogue de « belles allemandes » Il s’en sortira avec six mois ferme et autant avec sursis pour fausses déclarations et escroquerie à l’assurance. Sa jeune et jolie épouse en profitera pour le quitter et se mettre en ménage avec Jacquot dés son retour… ah  les femmes ! La voilà serveuse au bistrot.

Les babas cool et leur Stradair se sont fait rouler par un Malien qui les a tout simplement fait dépouiller par des complices dés qu’ils ont passé la frontière. L’Afrique est parfois cruelle avec les aventuriers  trop cools!

GAO

Les beaux 4x4 sont poussiéreux, les aventuriers se promettent une bonne douche à l’hôtel mythique de la ville: L’Atlantide. Ils vont quand même eux aussi avoir leur part de soucis dans cette ville de misère.
Entre les pompes de la station service Texaco, des enfants joue au foot avec une boite de conserve. Un coup maladroit envoie la boite contre la voiture de Jack, notre gentil et calme mécano. Pour Jack une voiture ça se respecte, d’ailleurs la sienne paraît neuve après trois semaines de voyage. La colère lui fait commettre l’irréparable, il met un grand coup de pied aux fesses du gamin. L’incident serait insignifiant si le gamin n’était pas (Sois disant) le fils du commissaire de Police.
A peine installé à l’hôtel il se fait cueillir par la police et au passage les fonctionnaires ramassent tous les passeports.
Deux heures plus tard il est relâché avec une mauvaise nouvelle : il faut attendre le retour du commissaire pour clore cette importante affaire.
Le problème c’est que le commissaire est parti passer le week-end en pirogue à « la plage » une sorte d’îlot sur le Niger à une centaine de kilomètres en aval de Gao.
Gégé connaît bien ces pratiques de confiscation de papiers, elles ne visent qu’à récupérer de l’argent sur le dos du toubab de passage. Il faut que l'aventurier de passage comprenne qu'ici tout ce paye comptant et au prix fort.
Une de ses relations en ville lui conseille de rencontrer Sadou.
Sadou est un vieux sage Songhaï, moitié marabout moitié homme public. Il n’a pas vraiment de fonction officielle mais rien ne se fait sans qu’il soit tenu au courant. Il serait aveugle... mais il voit tout et se tient informé de tout ce qui se passe dans le cercle de Gao.
Il écoute Gégé et lui répond dans un français châtié.
-Les fonctionnaires de Police ne sont payés que quelques mois par ans, soyez généreux.
Le sage ne donne pas de chiffre mais une adresse et un nom. Quelques heures et quelques 150000 CFA plus tard tout rentre dans l’ordre les passeports sont rendus avec le cachet « vu au passage à Gao » Ils sont maintenant en règle. Oublié l'incident diplomatique du coup de pied au cul!

Les voitures ont retrouvé un semblant de propreté à grands coups de seaux d’eau dans la cour de l’hôtel. Le coup de chiffon bien sablonneux était de trop, les carrosseries sont maintenant zébrées de fines rayures. Jack fait la gueule, en tant que professionnel perfectionniste il ne supporte pas une carrosserie abîmée. Il pense déjà à repeindre cette en rentrant.

C’est le départ vers Labezanga, la frontière du Niger. Une piste défoncée avec de profondes ornières et de gigantesques cuvettes bordées de latérite dure comme du béton les attends. Le Bulldozer offert par l’URSS aux frères Maliens n’y a rien changé, après chaque saison des pluies la piste est détruite par les camions qui ne respectent pas les « barrières de pluie ». De toute façons le bulldozer est en panne depuis de longs mois, il maintenant exposé sur la grand place avec la mention. « Dont du peuple Russe au peuple Nigérien »

Les gros six cylindres avalent sans faiblir les zones de fech-fech qui remplissent les creux de la piste. L’optimisme aidant Déd se déconcentre il se croit en compétition et réalise une figure libre qui se termine… sur le toit. Sur le choc la tente de toit a pris la liberté de continuer son chemin toute seule.
-Coupe le contact ! Lui crie Richard. Déd est prostré, cramponné au volant, pendu la tête en bas par son harnais de sécurité, finalement il arrête lui même le moteur.
Une odeur d’huile chaude envahi l’habitacle et dans un « Fflllouff » le compartiment moteur s’embrase.
Raoul est le plus proche, sans un seul coup d’œil ni compassion pour les passagers se saisit son extincteur, comme un pro, le vide dans le moteur en envoyant le jet par un passage de roue. Une colonne de fumée bien noire s’élève puis plus rien. Le feu est maîtrisé aussi vite qu’il avait pris. Belle démonstration du vieux solitaire.
-Portez moi un autre extincteur, sortez ces deux couillons de leur bagnole et mettez vite une sangle au châssis pour la remettre sur ses pattes.
La manœuvre est exécutée de main de maître par Michel et Christian et le 4X4, ex flambant neuf, se repose sur ses roues dans un grand craquement accompagné d’un bruit de verre brisé.
Christian est blessé, il s’est brûlé au bras en accrochant la sangle, l’équipe médicale s’occupe de lui car les deux autres n’ont rien sauf la peur.
Quand Gégé arrive tout est fini, il avait pris de l’avance. Est ce à cause de lui qu’ils ont roulé trop vite ? Il culpabilise. L’expertise des dégâts est faite par Jack, l’homme de la situation. Il sort sa caisse à outils et en quelques minutes il fait faire un tour complet au moteur;
-C’est pas méchant, il ne bloque pas, l’huile n’a pas eu le temps de passer dans les cylindres. Le moteur peut être mis en marche de suite. Le soucis, se sera les vitres cassées du coté gauche, ils vont bouffer de la poussière, il faut trouver de l’adhésif et fermer ça.
-Je redresse les fixations de la tente de toit et on essaye de la fixer.
Pour la réparation de fortune tous mettent la main à la patte. Déd est abattu, Richard muet. Comment vont ils expliquer au concessionnaire que le véhicule de démonstration est détruit ? Il explique à ses copains que son véhicule neuf n’étant pas arrivé à temps il s’est fait prêter cette voiture. Les négociations avec l’assureur vont être rudes !






L’entrée au Niger se passe plutôt bien, quelques cadeaux en plus des taxes et ça roule. Le véhicule accidenté amuse beaucoup les douaniers.
Ce groupe est décidément exceptionnel pense Gégé, au début il craignait ces bourgeois en mal d’aventure. Finalement ils se sont adaptés à ce mode de vie ou l’imprévu côtoie le risque.
Il n’y a plus de biznessman, plus de garagiste, plus de flic mais seulement une bande de copain en train de faire un super voyage.
Florence qui ne les a plus quitté est devenue membre de la tribu à part entière, Gégé a fait une entorse à sa ligne de conduite mais ne la regrette pas, ils sont devenus très « proches »
Cette intello déjantée est une super compagne de voyage. Elle a de très bonnes connaissances de l’histoire récente de ses pays. Elle connaît parfaitement les noms des dirigeants qui se sont succédé depuis l’indépendance ainsi que les événements marquants qui ont émaillé les jeunes années de ces nouvelles républiques. Tout y passe de Faidherbe au président Traoré, elle a d’ailleurs une analyse assez fine des politiques Africaines.
C’est agréable d’écouter une jolie femme donner un cour d’histoire et de géopolitique le soir au tour du feu. Gégé est tombé sous le charme.

NIAMEY


Un goudron sans charme les emmène vers Niamey.
A l’unanimité ils ne coucheront pas à l’hôtel mais dans l’immense camping de la capitale qui reçoit, ce soir, le douzième Rallye Paris. Tripoli. Dakar. Gégé a une petite idée pour la remise en état du Toy accidenté, il se met en quête de la succursale de la marque dans la capitale. Bien sur ils n’ont pas les vitres, qu’a cela ne tienne, une négociation avec Bruno Ricard, le team manager de Toyota sur la course, et l’affaire est réglée. Ils auront des vitres en kevlar...
-Quand je pense que chez nous il faut attendre les pièces plusieurs jours, ironise Jacques.

Pour le repos ce n’est pas le top. Les groupes électrogènes des assistances vrombissent toute la nuit et les hurlements des moteurs aux essais n’arrangent rien. Grâce à ses relations Gégé a obtenu l’autorisation de se mêler aux grands Teams du moment, Peugeot et Mitsubishi. Ils seront reçus à l’espace VIP que les constructeurs réservent aux sponsors venus suivre l’épreuve pendant quelques étapes.
Un bivouac du Dakar c’est quelque chose d’irréel. Même la chaîne de TV en vogue du moment, la 5*, n’arrive pas à communiquer l’ambiance bivouac.
Il vaut mieux car ce serait apporter de l’eau au moulin des anti-Dakar, style Renaud ou Philippe Noiret qui, c’est bien connu, font autorité en matière de sport automobile d’économie et de politique Africaine. Même Monod, pour passer à la télé, se joint à eux dans l'association PADAK.
Dans le show-biz les prises de positions sur le Rallye sont monnaie courante, surtout quand on ne connaît rien du sujet car devant les caméras il faut bien dire quelque chose… Le fond du problème c’est que quand le Rallye est là, l’Africain ne s’intéresse qu‘au Rallye, le film en cour de tournage attendra et les stars délaissées quelques heures ou quelques jours en feront des caprices.


Le Dakar, c’est une montagne de fric qui traverse une ville. Pour exemple : Les retombées financières de la journée de repos à Agadez sont évaluées au montant total des recettes fiscales annuelles de la ville.
Le rallye c’est la démesure, plus de trente avions, une dizaine d’hélicos déferlent sur un pays dont la flotte aérienne est loin de ce compte. Plus de cent camions, deux cent voitures et une centaine de motos, suivent encore tant bien que mal le rythme de la course malgré les nombreux abandons. Les TV du monde entier sont présentes de la NHK Japonaise à la petite TV3 Catalane.
Africa-bouffe, le prestataires de service, sert le soir plus de mille repas, quel que soit la météo, les événements politiques ou l’humeur du moment. Le staff médical avec son matériel high-tech surclasse bien des hôpitaux…La quantité de carburant achetée au prix fort dépasse 200 000 litres, Kérosène, Avgas, Gas-oil, Essence, il faut de tout. Certains pays comme la Libye multiplient par plus de deux cent les prix au passage du Rallye (40 francs le litre de gas-oil à Toumou au lieu de 17 centimes !) L’étalage de ces richesses ne choque pas plus les populations que les images qu’ils reçoivent à longueur d’année par satellite. Il n’y a que les gens qui ne vont jamais en Afrique pour ne pas le savoir. Le Rallye c’est du concret ça laisse de l’argent de suite, les ONG, souvent des promesses et des palabres.
Il faut une fois de plus faire viser les passeports à la préfecture de police, ce n’est pas simple. Le fonctionnaire a décidé qu’il veut « un blouson du rallye » Il faudra beaucoup de patience pour lui faire comprendre qu’ils sont de simples touristes et n’ont rien à voir avec la vache à lait de passage, qu’est le rallye et qui déverse sa manne sur le pays.
C’est jack qui sauvera la situation en aidant dans la cour de la préfecture deux pseudos mécanos qui s’échinent à poser à coups de maillet et sans succès un pare brise sur une 504. Il plaisante
-Voulez vous que je vous aide à le casser ?
En 5 minutes à l’aide d’une cordelette l’opération est menée à bien. Reconnaissant ils lui faciliteront les formalités.

Ils ont pris quelques jours de retard et c’est déçus qu’ils quittent Niamey pour aller directement sur Agadez, Tombouctou ce sera pour une autre fois, pourtant Tombouctou c’est un nom magique.
Le goudron agrémenté de nids de poules s’étire sur plus de 800 kilomètres. La conduite serait reposante sans les taxis brousse kamikazes, les camions à l'agonie, les bourricots et le bétail qui envahit la route.
A l’entrée et à la sortie de chaques villages une corde tendue entre deux fûts symbolise la barrière devant le poste de contrôle. Il faut aller au commissariat faire viser les passeports ou bien chercher à sortir du village par une rue transversale pour éviter le contrôle de sortie et reprendre la route plus loin, hors de la vue des agents, c’est un jeu.

Dans les villages les arrêts des autobus offrent le spectacle. Le bus au moteur essoufflé, sans vitres, d’une couleur indéfinissable, est surmonté d’une immense galerie sur laquelle s’entassent autant les passagers que leurs ballots, vélos et mobylettes.
Vu le poids de sa cargaison placée bien haut, la conduite de l’engin relève certainement d’un savant pilotage.
Sur le coté, à l’extérieur du bus, pendues par le pattes, des volailles encore vivantes, achèvent la décoration. A l'avant c'est une guerba en peau de chèvre qui sert de buvette.
Le long de la rue principale, il y a tous les petits commerces qui animent le cœur des villes. Ferblanterie, épicerie, soudeur réparateur de cycles et de pneus, tout est là, ainsi que l’inévitable flic avec sa matraque dispersant une nuée de gosses.
A la station service les pompes fonctionnent à la main, il y a longtemps que l’électricité ne fonctionne plus, il ne reste de la pompe qu’un long tuyau dégoulinant sans pistolet qu’il suffit de plonger directement dans le réservoir.
Le volume délivré est évalué au nombre de coups de pompe que donne un gamin en haillons, ensuite il faut marchander avec le patron pour faire une évaluation plus précise.
Un peu plus loin, les fruits et autres denrées sont proposées sur des nattes à même le sol, la viande, couverte de mouches, y est présentée sur des journaux maculés de sang ! Au passage de chaque véhicule la poussière rouge recouvre un peu plus tous les aliments.

Florence, Corinne, Chantal et Joëlle la pharmacienne, se sont lancées imprudemment dans l’humanitaire. Avec le toubib, jean Michel et son fils Emmanuel elles ont monté un hôpital de campagne !
Au début il s’agissait, seulement, de mettre du collyre dans les yeux d’un enfant mais les femmes du quartier se sont mises à faire « salle d’attente » à l’ombre d’un manguier avec leurs enfants dans les bras et sur le dos…. Les consultations s’enchaînent et les soins s’éternisent.

Gégé sent qu’ils ne sont pas prêts de repartir, d’autant plus que le commissaire et le maire viennent voir le chef du groupe. Les salamalecs vont bon train, ponctués des éternels « Soyez les bienvenus »
L’entretien tourne au tour de la France, ils ont évidemment tous un membre de leur famille à Paris ou Marseille. Une invitation est lancée au grand dam de Gégé, il comptait bien faire trois ou quatre cent kilomètres de plus aujourd’hui vers Agadez.
Le retard pris à Nouakchott va devenir maintenant impossible à rattraper.
Sur les conseils insistants du maire le bivouac sera établi en plein village, sur la place de l’indépendance sous les grands arbres. Le commissaire leur garantie la tranquillité par la présence permanente d’un policier, il aura fort à faire pour écarter les enfants et surtout les quémandeurs de tous ages. Dans la pratique, le flic ne fera que filtrer en laissant passer ses proches et refoulant les autres en agitant sa matraque.

La nuit tombée, les palabres reprennent, les demandes se précisent.
- Donne moi ton adresse, demande l’un. Ton numéro de téléphone…
-C’est ou Montpellier ? C’est loin de Marseille ?
Ah Marseille qu’as tu fais pour obtenir une telle notoriété ?

Florence est très courtisée car elle habite Paris, elle détient certainement des pouvoirs que n’ont pas les provinciaux.
-Peux tu m’envoyer une invitation pour un visa ? Lui suggère le commissaire.
-Bien sur, je vais me renseigner.
Voici enfin le but de la démarche atteint car il leur faut, pour entrer dans l’espace Schengen, une attestation d’hébergement, c’est le préalable à toute demande de visa.

Les femmes chantent et se trémoussent, les heures passent, les bouteilles d’alcool circulent discrètement. Les effets ne tardent pas à se faire sentir, la plupart des convives s’endorment sur place.
Du coté des blancs c’est le contraire, les rugbymen ont entrepris de raconter à leur façon le dernier match ou ils ses ont fait essorer par les Toulousain à cause de l’arbitre. Michel et Jack, le mécano, se chargent de porter la contradiction.
Le toubib et Gégé refont l’Afrique avec les notables… Ils commentent les problèmes frontaliers avec le Nigeria voisin, Flo prend des notes.
-C’est un pays de sauvage, commente le Maire
-Il n’y plus d’autorité, c’est le désordre. Ajoute le flic en chef. Ici tout est calme.
Il a la mémoire courte, ici la rébellion Touareg trouble si souvent leur vie.
Depuis des années le Touaregs circulaient du sud de la Libye au Mali sans contrôles et sans contraintes. Les gouvernements successifs du Niger et du Mali ont pris la maladroite initiative de réguler ces déplacements et de leur imposer une nationalité, ce peuple n’en veut pas. Les Targuis de Tamanrasset sont ceux de Ménaka quelques mois plus tard, ils sont partout chez eux. Le conflit Tchadien leur a permis de s’armer à bon compte, et sont plus ou moins aidés ou téléguidés par Kadhafi. Les attaques contre les autorités sont maintenant fréquentes.

Gégé leur explique que le meilleur ambassadeur en France de cette ethnie, fut certainement le médiatique Mano Dayak qui bien que vivant confortablement, à ce qu’il parait, à Neuilly représentait fièrement ces populations. Il périra en décembre 1995 dans un mystérieux accident d’avion à Niamey en compagnie des médiateurs venus négocier un statut honorable pour l’ensemble des Targuis.
Les débats vont bon train.

Le lendemain, le soleil est déjà bien haut quand les beaux 4X4 taillent la route.
-Go to Agadez, lance Gégé à la VHF, à midi pas de folies gastronomiques, on ne s’arrête qu’une heure maxi !
Christian en flic méthodique a bien vu en consultant sa carte Michelin que le groupe était en retard sur le programme.
-Gégé ?
Oui je te reçois.
Penses tu que l’on puisse gagner du temps en ne séjournant pas trop à Agadez ?
Il faut au moins y passer une nuit pour aller à l’hôtel se décrasser et faire viser les passeports.
Aussi négocier une grosse quantité de Gas-oil car avec un plein il faut arriver peut être jusqu’à Al Khatrum en Libye. Ne comptons pas sur du gas-oil à Dirkou, c’est trop aléatoire.

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A quand le prochain départ?


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 Sujet du message : Re: Fiction? pas tout à fait.
Message Publié : 22 Mai 2020, 18:05 
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AGADEZ

La grande ville est calme en cette fin de journée, il y fait chaud malgré la saison. L’unique projecteur de l’hôtel Telwa éclaire partiellement le parking.
Ici peu de goudron, seulement dans les rues principales. Une poussière beige prend la gorge et uniformise toutes les couleurs.
L’hôtel est au standard local, les robinets qui fuient prouvent au moins qu’il y a de l’eau. Les lavabos sont ébréchés, les douches aux bacs douteux, les w.c .... Des ventilateurs déséquilibrés brassent l’air chargé des mouches en vibrant.
Les lits sont défoncés, ils iront chercher leurs sacs de couchage plutôt que d’utiliser les draps de l’hôtel. Les pharmaciens s’autoproclameront gardiens de parking ils préfèrent dormir dans leur voiture, comme en bivouac.

Au petit jour, Gégé part en reconnaissances pour chercher du carburant. Il traite avec la Texaco.
- Il ne faut pas nous prendre pour des Américains, le Rallye c’est fini ! Rendez vous à neuf heures pour les pleins.
Ils prennent leur petit déjeuner sur le parking, comme au bivouac à l’arrière des voitures, sous le regard des gamins qui découvrent ces drôles de « Toubab » avec leurs voitures transformées en case roulante.
Agadez à perdu beaucoup de son activité, autrefois les convois de voitures d’occasions arrivaient quotidiennement d’Europe, via l’Algérie en passant par la route transsaharienne défoncée, Alger, Tamanrasset, In Guezzam, puis la sinistre piste Assamaka, Arlit balisée d’épaves de Mercedes et Peugeot n’ayant eu la force ni chance de finir le grand voyage… Ce trafic est remplacé maintenant dans l’autre sens par celui des passeurs qui transportent, comme du bétail, les candidats à l’immigration vers nos pays de rêve.
Le plus gros de l’activité est fourni par le Rallye qui a pris l’habitude de faire une étape de vingt quatre heures. La journée de repos est une bénédiction pour le commerce local. Les propriétaires louent des maisons spécialement agencées pour les visiteurs de passage à des prix exorbitants: 200 à 400 000 CFA la journée pour une grande villa avec une cour fermée. L’aérodrome, à la conformité et à la sécurité très controversée, reçoit à cette occasion les sponsors et les invités des grandes marques.
Les stations services comme tous les commerces sont assaillis, les marchands de rares pièces détachées automobile et les réparateurs de pneumatiques font fortune. Gare au jour ou la manne annuelle va s’interrompre !

Pour faire les courses il y a une bonne adresse : Le Mini Market on y trouve tout, de l’alimentation aux des pièces détachées de camping-gaz en passant par les vins Espagnols de la Rioja. Il se situe juste avant l’entrée de l’aéroport à quelques mètres de l’agence Temet, c’est le quartier des bonnes affaires. Il est tenu par un couple d’homos Franco Nigérien on ne peut plus sympathique.

-Finissez vos courses, plus le temps de traîner en ville ! Allez faire les pleins à la Texaco au bout de l’avenue de la mosquée et on roule dans une heure maxi, annonce le chef.
-Moi je récupère les passeports chez les flic pendant ce temps, ajoute Flo devenue co-organisatrice.




LE TENERE

Pendant presque trois cent kilomètres c’est une piste désagréable qui les attend. De profondes saignées martyrisent les suspensions des 4x4 chargés de carburant au maximum. Il faut rouler doucement pour ne pas détruire les voitures et économiser le gas-oil.
Les équipages sont aguerris, plus question de jérémiades, les belles tenues sahariennes du départ sont au fond des sacs de linge sale depuis longtemps. Le Jean/Tee-shirt et les tennis ont remplacé les catalogues de vêtements de sport Columbia, Aigle, Eïder et compagnie, plus de frime maintenant… Les filles ne jouent plus aux filles, le GPS et la cartographie les occupe tout autant que leur trousse de maquillage des premiers jours. Coté mécanique, le matériel bien préparé ne pose pas de problème seule la poussière à envahie les intérieurs en ronce de noyer.
-Essayez de vous passer de la clim pendant deux jours, ça nous fera gagner une dizaine de litres. Personne ne commente à la VHF.

Ils sont fasciné par la magie du nom « Ténéré » Depuis des années les commentateurs du Rallye déclament sur tous les tons ce nom et font rêver les foules. L’attentat du 19 Septembre à lui aussi propulsé le Ténéré en vedette. Ils ont, hier soir parlé de la Libye citée comme bouc émissaire dans ce drame qui coûtât la vie aux 170 passagers du vol UT 772. Ils se sentent concerné car dans trois jours maximum ils seront dans ce pays. Les opinions que rien n’étaye se sont forgées sans connaître ce pays qui fait figure d’épouvantail. La Libye ne s’est pas encore ouverte au tourisme et les invitations lancées pour les passages du Dakar sont surtout faite pour redorer une image qui en a bien besoin.
L’autonomie est toujours le sujet permanent des conversations à la radio VHF, ils plaisantent pour détendre l’atmosphère.
-En cas de pépin nous devrons manger la plus tendre et la plus jeune.
-Non, nous commencerons par la plus vielle ou la plus moche, ajoute le butteur, toujours aussi fin et galant.

Gégé est soucieux, le carburant a été calculé au plus juste. En trouveront il à Dirkou ?
-Allez on roule !
Quelques kilomètres avant l’arbre, le Toy de Bernard rebondit violemment dans un trou. La sanction est sévère et immédiate : une bride de fixation du réservoir situé sous la voiture lâche. Le réservoir se retrouve cabossé, posé sur la piste, tuyauteries arrachées, et le fuel s’écoule par terre à gros bouillons.
En pro de la mécanique, Jack s’y jette dessus et obture la fuite à main nue en attendant mieux. Il faut sauver ce qu’il reste de carburant en le transvasant dans les autres réservoirs. Deux heures d’arrêt et la réparation sommaire à  « l’Africaine » est finie. Bilan cinquante litres au moins de perdus. Il lui faudra rouler sur le réservoir supplémentaire jusqu'à ce soir, avec la peur de manquer de carburant qui noue les entrailles, en attendant une réparation plus académique ou un miracle.
-A partir de maintenant on ne prononce plus le mot gas-oil car on risque de déclancher une saharite ok ?
-Pas de problème, soyez les bienvenus, plaisante Michel… aucuns écho des autres à la radio.
C’est le stress quand ils arrivent à l’arbre du Ténéré, une structure de ferraille ou des plaisantins ont accroché des enjoliveurs chromés. La déception est grande, la magie vient de tomber. Le mauvais goût du monument mythique les déconcerte.
A partir de là le sable est omniprésent, il faut dégonfler. Ce n’est pas du sable difficile pour rouler, il suffit de quitter les profondes ornières laissées par le passage du Paris Dakar il y a quelques jours.
Ce bivouac est certainement le plus triste depuis le début de leur périple, les éclats de rires sont rares et les plaisanteries sans effet. Les conversations tournent au tour de Kadhafi.
Discrètement Gégé téléphone par inmarsat à Agadez. Il obtient d’un collaborateur de Mano, la certitude qu’il y a du gas-oil à Dirkou ou les excédents du rallye couvrent souvent la consommation annuelle des véhicules de passage.
Il gardera la bonne nouvelle pour lui, ce n’est qu’une fois tout éteint que Florence lui murmurera à l’oreille
-C’est pas gentil de faire des cachotteries.
-Je ne sais pas de quoi tu parles.
-Et moi je sais que depuis que tu as téléphoné et que tu es moins inquiet.
Les coulisses de l’organisation, c’est son jardin secret à Gégé, il est surpris de l’intrusion de Flo dans son domaine. Le sauvage a du mal à laisser percer sa carapace par l’intuition féminine.
Décidément le charme de Flo fait des ravages sur ce « dur » du voyage, Gégé se sent pris, au piège. Au début c’était par le joli minois de Florence et sa culture, maintenant c’est autre chose. Les autres s’en sont bien aperçu ils en sourient, le chef-voyageur n’est plus l’ours solitaire qu’il voulait paraître au début, il ressemble de plus en plus un ado amoureux.
Lui qui roule depuis des années seul, avec une réputation surfaite de caractère de cochon, sent qu’après ce circuit ce ne sera plus comme avant.
-Tu sais Flo, depuis quinze ans je vis seul, ce n’est pas facile. L’organisation de ces voyages c’est ma vie, si je n’avais cette passion je ne sais pas si je pourrais vivre et travailler normalement à Montpellier.
-Tu fais quoi exactement ?
-Je suis « docteur » en informatique, toute la journée je suis au téléphone avec des gens qui ont planté leurs ordinateurs. Nous avons dix ans de retard au moins, les Français achètent des ordinateurs sans savoir exactement ce qu’ils vont en faire, c’est le début, le résultat est désastreux.
-Quand je sors, à Montpellier, les gens ne me courtisent que pour me parler d’informatique. Je finis par haïr ces machines.
-Et moi qui voulais m’en équiper pour rédiger mes articles.
La pleine lune en direction de Fachi illumine les dunes...
-C’est chez moi dans le midi que tu écriras ton prochain article, ce ne sont pas les ordi qu’il manque.
Plus un mot, une déclaration comme ça au milieu du Ténéré se passe de réponse, et elle se blotti contre lui.

Le soleil pointe sur la mer de sable, la nuit frisquette les a surpris, le bivouac est vite plié direction le puits d’Achégour.
Si il avait eu la certitude de trouver du carburant à Dirkou il serait passé par Fachi mais la traversée par l’erg aurait fait flamber leur consommation. Gégé joue la sécurité.

Au puit d’Achégour l’organisation du rallye a regroupé quelques véhicules éclopés, abandonnés par leurs équipages. Seul un gardien attend les camions de remorquages. C’est un migrant Nigérien sur la route de la Libye ayant pour objectif l’Italie ou il parait que la vie est belle… Il s’est fait embaucher pour garder les voitures pendant quelques jours.
-Depuis quand es tu là ?
-Quatre ou cinq jours répond l’homme, complètement hors du temps.
-Comment es tu venu ici ?
-Je me suis fâché avec mon transporteur et il m’a abandonné au puits.
-As tu à manger ?
Avec un grand sourire il soulève une couverture et leur montre son trésor : au moins vingt kilos de rations de survie et des bouteilles d’eau que lui ont laissé les chauffeurs des camions balais.
Il est heureux et ainsi nanti ne se fait aucun souci pour la suite de son voyage.
-Comment vas tu continuer ton voyage ?
-Inch Allah !

-Gégé viens voir, il y a au moins deux cent litres de coco dans cette bagnole… Je sens que le gardien va devenir l’homme le plus riche d’Achégour !
La réparation du réservoir de Bernard à l’air de tenir bon, à la suite d’une courte négociation ils siphonnent le carburant du véhicule accidenté et donnent plus d’argent au pauvre bougre qu’il n’en avait espéré.
-Si on roule bien en suivant les grandes balises ce soir nous serons à Dirkou avant la nuit, annonce Christian qui étudie sa carte en permanence.
-Exact mais ce n’est pas une raison pour se relâcher annonce le chef.
Ils roulent tous de front en direction du Nord Est de part et d’autre de la grosse trace laissée par les camions du rallye. Depuis midi les sourires sont revenus, non seulement à cause de la providentielle station service d’Achégour mais surtout parce qu’ils se sont aperçu que le chef parlait tout seul à la radio ! Bizarre ? Emmanuel a vite fait de trouver le canal secret sur lequel Gégé compte fleurette à Florence. Ils écoutent les tourtereaux ! Ça restera le secret de polichinelle pendant tout le reste du voyage.
Dirkou apparaît dans le fond du décor. Des l’entrée, entre les cahutes un militaire un peu trop autoritaire et agressif leur crache :
-Passsport !! Avant même qu’ils n’aient le temps de le saluer ou de sortir des voitures.
-Bonjour lui répond Michel.
-Passsport ! Hurle l’autre.
-Bonjour répète Michel.
-Passsport vocifère l’homme en colère.
Déd avec son gabarit de seconde ligne et sa démarche simiesque caractéristique du rouleur de mécanique, s’approche de lui avec détermination. Il lui tend la main et lui broie les phalanges...
-Bonjour mon capitaine ! Comment vas tu mon ami ? dit il au flicaillon qui n’est pourtant qu’homme de troupe.
La terreur en uniforme examine les plus de deux mètres et les cent vingt kilos plantés devant lui.
-Bi-jour, répond lentement le bidasse mi figue mi raisin.
No comment. Une grande tape dans le dos et la vérification des passeports est terminée.

La soirée à Dirkou se passe au fond d’un jardin derrière une maisonnette bien équipée, avec plusieurs douches et sanitaires en parfait état. Miracle de l’Afrique ?
L’explication est facile à trouver, c’est la maison de passage d’un grand Team du rallye. Certaines écuries fortunées ont, dans les villages étapes que le rallye fréquente depuis des décennies, fait construire ou louent à l’année des maisonnettes relativement propres et biens tenues. Ils les utilisent aussi quand ils viennent en « essai privés » ce qui est le nom pudique de « reconnaissances interdites ». Ces maisons sont utilisées le reste du temps par une agence de voyage amies, comme Temet, ce qui traduit veut dire en clair : assistance sauvage au passage du Rallye.
En contrepartie les fûts d’Avgas des voitures de courses et le stock de gas oil des camions ainsi que les encombrants pneus des camions d’assistance sont discrètement stockés à l’abri des petits voleurs dont la spécialité est de mettre un peu d’eau à la place du précieux liquide.
C’est un bivouac agréable, sans envahisseurs ni quémandeurs, un gardien se charge de les maintenir à distance.
Jean Mi les informe
-Il fait moins six à Montpellier, je viens d’avoir ma femme au téléphone, certaines routes des Cévennes sont fermées.
-Tu n’avais qu’à lui dire qu’ici toutes les pistes sont ouvertes !
Mon dieu comme ils sont loin de tout ça !
Des le lever du jour les vendeurs de pétrole sont là pour essayer de placer leur marchandise.
Il y a tellement de carburant de reste, cette année à cause des nombreux abandons, qu'après le passage du Rallye qu’ils vont se permettre de marchander.
Le moral est revenu, le timing n’est toujours pas rétabli mais ça s’améliore, il reste le grande inconnue : Combien d’heures ou de jours vont ils passer à Tumu pour entrer en Libye ? Parfois il n’y a personne et les formalités se font à Al Katrum, mais rien ne se passe jamais deux fois de la même façon sur ce continent et encore moins en Libye.
Il faudra quand même s’arrêter au poste de Madama sous peine de ses faire mitrailler, comme cela est arrivé à quelque célébrité des "sahariens", par des militaires aussi dangereux que bêtes et bye-bye Niger.

Ils sont sur le départ quand venant du sud, sur la piste de Bilma, apparaît un vieux camion Mercedes de trafiquants.
Ces camions de transporteurs/passeurs se reconnaissent à leur chargement tout en hauteur. Des dizaines de migrants sont perchés sur les ballots de marchandises accompagnés de quelques chèvres ligotées qui servent de garde manger.
C’est à N’Djamena ou à N’Guigmi que se sont regroupé les candidats à l’exil. Les passeurs font leurs tarifs, parfois tout l’argent d’une famille suffit à peine à payer ces vautours. Quand on a passé sa jeunesse enrôlé de force dans l’armée ou dans les bandes rivales qui ruinent le Tchad l’avenir est sombre. Leur souhait est de sortir des Griffes d’Hissen Habré, rebelle Toubou ou de Goukouni Ouedaï son frère ennemi et de quitter cet enfer de guérilla et de misère. Ça laisse peu de place aux sentiments patriotiques.
Ils sont aveuglé par le mirage de cette Europe qu’ils ne connaissent que par la télévision et les rares lettres de leurs compatriotes qui ont réussi leur migration.

Les passagers sautent du haut du chargement pour se dégourdir les jambes, les militaires si hargneux et tatillons ne les voient même pas. Ces pauvres bougres se sont fait prendre tout leur argent par les passeurs avant d’embarquer. Il n’y a rien à gagner sur eux. C’est donc le chauffeur qui se fera racketter à leur place.
Pour survivre les malheureux passeront plusieurs mois en Libye à effectuer les taches les plus ingrates dans des conditions de quasi esclavage. Les plus chanceux trouveront du travail sur les bases des compagnies Canadiennes ou Espagnoles qui ont obtenu de Tripoli des permis de prospection pétrolière y compris en plein embargo.

Ils quittent Dirkou soulagés, la jauge de carburant était elle directement reliée au moral de la troupe ? Un grand reg roulant part plein Nord.
-Quand je tourne le capot vers le Nord j’ai le sentiment que les vacances sont finies, déclare la jolie Corinne pour meubler le silence qui s’est installé à la VHF depuis le matin.
-Attends de savoir comment se passeront les vacances chez Kadhafi, rétorque Christian.
-Vous serez surpris de l’amabilité des Libyens, informe Gégé, c’est sur que le plus dur c’est d’obtenir toutes les autorisations pour rentrer dans leur pays mais ensuite c’est super.
Ils longent la falaise en direction de Séguédine, sur la piste ils retrouvent des épaves calcinées abandonnées par le Rallye. Bien avant Séguédine ils aperçoivent de loin le Pic Zoumi planté comme un cairn géant, ça roule bien aujourd’hui, le moral est au beau fixe, les kilomètres défilent assez rapidement. Cap sur Dao Timmi et enfin Madama ou ils sont censé faire les formalités de sortie du Niger.
En suivant aveuglément la trace du Rallye ils se retrouvent au coucher du soleil à Tumu sans avoir rencontré âme qui vive ni contrôle sur plus de 500 kilomètres.
A Tumu, rien de bien beau, des bidasses dans un campement sale, désordonné et quelques véhicules en piteux état. Une piste d’aviation provisoire en plaques d’envol datant de… il y longtemps.
Les Libyens se demande d’ou sortent ses voyageurs aussi frais avec leur superbes voitures. Depuis deux semaines ils voient passer dans le sens Nord Sud tout ce qui gravite autour du Rallye et personne d’autre. Gégé vas en profiter pour leur pondre une salade de sa spécialité :
-Nous sommes des VIP venus à Agadez voir la course.
-Passport et visas ! C’est quoi VIP ?
Une définition du terme VIP, agrémentée de deux bières fraîches et savamment romancée faite par Michel, satisfait tout le monde.
-Ah bon, si c’est pour le Rallye, yapadproblêm.
Devant une telle aubaine il décide de rouler quelques heures de nuit, ils feront les formalités à Al Katrum demain.

La facilité pour entrer en Libye les déconcerte, visiblement il y a une opération de charme en cour. Il suffit de placer le mot Rallye dans une discussion pour obtenir une issue rapide et favorable, c’est magique.
Pas question de poser des immatriculations Libyennes sur les véhicules, ce qui est pourtant obligatoire, de toute façons ils n’ont pas de plaques à leur fournir, simplement un coup de tampon sur le carnet de passage en douane et roulez !

-Vous irez aux douanes de Sebha pour les plaques... compte le dessus pense Gégé

Les purs sentent la fin du voyage, c’est maintenant plus de 1600 kilomètres de goudron qu’il faut remonter jusqu'à Tunis via Tripoli. Gégé se félicite de la tenue de se groupe, en plus il est sur un petit nuage…
-Faites attention car ici il n’y a pas de permis de conduire, vous pouvez croiser un gamin de quinze ans au volant d’un camion.
-Comment as tu fait pour les formalités et les radios demande Bernard ?
-Ben justement, j’ai rien fait. Les Libyens ne parlent ni Français ni Anglais, seulement quelques mots d’Italien. Ça réduit sérieusement les discussions.

Drôle de pays, dont l’essentiel des cinq millions d’habitants vit le long de la Méditerranée et qui oublierait facilement le sud si ce n’était pour son pétrole et ses nappes d’eau fossile qu’ils comptent bien extraire et transporter jusqu’a Tripoli.
C’est le grand projet du guide de la révolution, Maamar el Kadhafi, assis au pouvoir certainement à vie.
Le pays est maintenant sous embargo, tant pis les Coréens feront le travail sans état d’âmes.
Le chantier de la « Grande rivière » bouleversera le paysage pendant plusieurs années, le gigantesque aqueduc fonctionnera t’il un jour ou restera t’il un fantasme à la gloire d’un dictateur mégalo?
D’autres dans l’ombre prépareront les sites d’exploitation pétrolière, car un embargo a toujours une fin. Pendant sept ans une compagnie Espagnole (Repsol) s’implantera à la barbe de tous, couverte par une hypocrisie internationale et le jour venu il suffira d’ouvrir les vannes. Les Américains feront aussi mine d’ignorer les prospections Canadiennes. L’or noir fait la loi  au delà de la diplomatie!


Les maigres infrastructures du pays souffriront beaucoup de la pénurie engendrée par l’embargo, le port en particulier. Le manque d’entretien des installations aboutira à une activité extrêmement réduite et à son quasi fermeture pour le plus grand bonheur du port de Tunis. Le grand axe routier nord sud fera exception, une providentielle entreprise apatride, tout le monde sait qu’elle est Italienne, va construire sur plus de mille kilomètres une bonne route bien balisée de Tripoli à Sebha, puis encore vers le Sud et l’Ouest en direction d’Oubari.
Le pays est tombé sous perfusion de la Tunisie, qui importe tous les biens de consommation et qui sont ensuite acheminés vers Tripoli par une noria de centaines de camions. L’essor du port de Tunis bénéficiera encore de cette providence plusieurs années après la levée de l’embargo.

A l’approche de Sebha, la grande capitale du sud, les tas d’ordures se font de plus en plus hauts et réduisent la largeur de la route ce qui est un signe de richesse.
Fort Leclerc sur son promontoire marque au sud l’entrée de la ville. Il surplombe la base aérienne d’ou partaient les Migs qui tentaient d’annexer le Tchad avant que François Mitterand leur calme les nerfs.
La France s’y opposera fermement en fixant la limite acceptable de l’invasion au 22 éme parallèle.



Au passage à Sebha il faut faire viser les passeports au service de l’immigration. Ce n’est pas gagné, les services administratifs concernés sont introuvables et avec des horaires mystérieux.
C’est avec la sensation de se faire balader qu’ils vont perdre une journée dans un environnement détestable.
-Demain on roule vers sept heures, dés qu’il fait jour.
-Oui chef ! Lance Michel qui fait une démonstration de tours de cartes devant un aréopage de badauds.

Toute la nuit les chien vont hurler, perchés sur les tas d’immondices, la Libye n’est décidément pas le pays touristique que l’on voudrait nous présenter: c'est un mauvais bivouac!
Au premier appel du Muezzin, bien avant le levé du jour, tout le monde est prêt à déguerpir et quitter sans regret cette ville. L’axe routier est peu fréquenté, la circulation est fluide, la moyenne excellente.
C’est un bonne route, bien revêtue qui file plein Nord, de temps en temps un contrôle les stoppent. Les contrôleurs sont sympas, tout se passe bien.
-Nous éviterons Tripoli par Ar Zintan, c’est une bonne piste puis un petit goudron, ça allonge un peu mais ne prenons par le risque de nous faire bloquer à Tripoli par un contrôle tatillon à cause des plaques d'immatriculation.
Ceux qui comptaient visiter les gigantesques ruines Romaines de Leptis Magna en seront pour un autre voyage. Mais le chef a parlé, sa décision est prise.
-Il faut sortir du pays, ensuite nous serons libre de notre emploi du temps.

Le contrôle final est au poste de Ras Edjir, c’est le seul point de passage ouvert au tourisme. Une file interminable de camions vides allants vers Tunis leur bloque le passage plusieurs kilomètres avant la frontière.
-Si on ne trouve pas une combine, nous y sommes pour plusieurs jours !
- Je vais essayer de remonter la file et de négocier, décide Gégé.
-Je viens avec toi, répond Flo sans lui demander sont avis… et elle saute dans sa voiture... Décidément ce chef...
Les palabres commencent avec les policiers de la première barrière, conclusion il faut aller à une deuxième barrière.
Un officier des douanes en uniforme crasseux mais coiffé d’une casquette de Waffen SS leur accorde un passe droit.
Florence s’empare de la VHF pour annoncer la bonne nouvelle.
-C’est bon, venez nous rejoindre, n’oubliez pas d’emmener ma voiture !
Elle vient de faire la plus grosse bourde de sa carrière Saharienne, résultat : Quand les autres arrivent, tous les émetteurs VHF sont saisis par le Libyens

-Il faut téléphoner au consulat de France à Tripoli pour qu’ils nous aident à les récupérer.
-Evites maintenant de sortir le téléphone satellite devant eux sinon je crains le pire.

La réponse consulaire est claire. Primo, ils n’en ont rien à faire. Secundo, débrouillez vous. Tertio, de toute façons on n’y peut rien et il est tard le consulat doit maintenant fermé.
C’est bien souvent ce genre de réconfort que l’on reçoit des délégations diplomatiques Française dans nombre de pays. Ceux qui se sont trouvé un jour dans l’embarras ne démentiront pas.

-Vous allez vous poser dans un coin, vous faire oublier et je vais essayer de rattraper le coup.
-Veux tu que je vienne ?
-Non Flo, pour aujourd’hui c’est bon.
Gégé a repris sa mauvaise tête, c’est tout seul qu’il va entreprendre le « cirage de pompes »
Quelques heures et quelques thés infects plus tard, il est devenu ami avec le douanier gestapiste. L’officier l’a reçu dans une immense pièce meublée d’un bureau, de deux chaises bancales et d’un portrait fané du « Guide » À même le sol s’entassent des dossiers certainement de la plus haute importance. Le fonctionnaire imbu de son autorité l’écoute.
L’affaire est conclue, ils laisseront tous leurs derniers dinars Libyens pour faire un don… au croissant rouge en échange de la restitution des postes de radio.
Malgré sa rage froide, il fait semblant de ne pas être pressé, il s’informe de tout et de n’importe quoi. L’autre, content d’être écouté, se lance dans un discours sur le sérieux des douanes et de la police de son pays… banalités et salamalecs d’usage.

Il se fait tard la frontière ferme, ils sortiront demain à la première heure. La nuit à la frontière ressemble à ce qu’ils ont connu à Guerguerat à leur sortie du Maroc : Immondices, odeurs d’urine et attention particulière envers les rôdeurs qui ne manquent pas.

Bon, les copains ça sent la fin, alors pour réveiller ceux qui dorment pendant le film:

https://www.google.com/search?gs_ssp=eJzj4tVP1zc0TDbKMUjKyzM0YPTiTUwrykxOVChOLErJLwUAhxgJew&q=africa+sardou&rlz=1C1CHBD_frFR881FR881&oq=africa+sardou&aqs=chrome.1.69i57j46j0l6.14178j0j8&sourceid=chrome&ie=UTF-8



A bientôt pour la finale en Tunisie!

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 Sujet du message : Re: Fiction? pas tout à fait.
Message Publié : 23 Mai 2020, 08:27 
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Prénom: Jean-Yves
Bonjour,
Toujours très captivant le récit de cette aventure rocambolesque, merci.
En 1974 je m'étais arrêté à Tamanrasset faute de temps pour aller au Gabon, c'était un peu l'aventure surtout à 3 personnes dans la deuche. Il n'y avait plus de goudron après In Salah, les 30 chevaux de la deuche étaient un peu juste parfois pour franchir des zones de fech-fech.... :geek:

Le temps n'est pas encore venu de pouvoir refaire le parcours de Gégé ! :mrgreen:
Jean-Yves


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 Sujet du message : Re: Fiction? pas tout à fait.
Message Publié : 23 Mai 2020, 09:18 
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Inscription : 29 Déc 2013, 19:01
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Localisation : SAINT CHINIAN
NOM: CALMETTE
Prénom: Jo
Ca sent la fin! Il y en a quand même une qui s’est reconnue et elle est pas contente! Bof, plus de trente ans... il y a prescription et tant pis si elle n’a plus le feu au ...

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 Sujet du message : Re: Fiction? pas tout à fait.
Message Publié : 23 Mai 2020, 18:44 
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Inscription : 29 Déc 2013, 19:01
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Localisation : SAINT CHINIAN
NOM: CALMETTE
Prénom: Jo
:lol: c'est fini!

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 Sujet du message : Re: Fiction? pas tout à fait.
Message Publié : 25 Mai 2020, 14:52 
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Inscription : 25 Mars 2014, 10:33
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NOM: SEBAG
Prénom: Olivier
genial
un grand merci


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 Sujet du message : Re: Fiction? pas tout à fait.
Message Publié : 25 Mai 2020, 16:38 
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Inscription : 28 Fév 2014, 10:42
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Localisation : Bretenoux (46)
NOM: DUMAZEL
Prénom: Alain
Merci beaucoup Jo, pour cette superbe narration. Que de souvenirs qui sont remontés en ce moment particulièrement délicat.
J'espère que nous pourrons bientôt repartir, afin d'avoir de nouvelles aventures à conter. (mais pas avec le talent de JO)


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 Sujet du message : Re: Fiction? pas tout à fait.
Message Publié : 26 Mai 2020, 05:12 
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Inscription : 27 Avr 2014, 08:08
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NOM: PEREZ
Prénom: Jean Marie
Bonjour, bon, c'est ben bôôô tout ça! mais maintenant que nous n'avons plus notre feuilleton quotidien, que faire? Allez Jo cherche un peu, tu dois pouvoir faire une suite..JM


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 Sujet du message : Re: Fiction? pas tout à fait.
Message Publié : 26 Mai 2020, 18:17 
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Inscription : 29 Déc 2013, 19:01
Message(s) : 626
Localisation : SAINT CHINIAN
NOM: CALMETTE
Prénom: Jo
J’ai un peu de matière en réserve mais je n’en suis pas l’auteur. C’est l’affaire de Siga . Le pb c’est que j’ai besoin de l’accord de l’auteur pour ressortir ce chef d’œuvre. Si quelqu’un sait comment contacter Gaetan je me chargerai de re planter le décor de l’époque qui est complètement différent de l’esprit « sahariens pendant les années 2000/2010. L’histoire est partie d’un post d’un voyageur donc d’un c.r d’une balade en Tunisie. Bon retrouvez Gaetan et vous lirez nos délires avec son accord. Je vous garantie c’est de l’humour Belge de haute rigolade.

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